Les Plaisirs du Cirque, de l’entraînement à la scène
Des valeurs, un équilibre
Les Arts du Cirque sont divers et variés. Ils offrent une grande palette d’esthétiques qui demandent des aptitudes différentes et des motivations variées. Le cirque, historiquement et globalement dans cet ordre d’apparition, c’est l’art équestre, l’acrobatie, l’art du clown, les aériens, la jonglerie, les animaux sauvages. Au fil du temps, ces disciplines se sont enrichies, se sont combinées entre elles et à d’autres disciplines, pour arriver au paysage extrêmement varié d’aujourd’hui. L’ensemble de ces disciplines sont autant de sources de plaisirs, aisées à sentir selon ses aptitudes naturelles (force, souplesse, agilité, endurance, équilibre…).
Si le Cirque en lui-même est un sujet très important et sérieux, il en de même pour la notion de plaisir. Se faire plaisir, prendre du plaisir, avoir du plaisir, ça peut sembler simple, évident, voire simpliste, mais c’est loin d’être le cas. Elle est suffisamment complexe et individuelle qu’elle nécessite quelques lignes pour l’expliciter. Si elle est importante dans nos vies, nous verrons comment cette notion de plaisir peut se conjuguer avec les arts du cirque en général et la danse aérienne en particulier, discipline à laquelle certains et certaines d’entre vous aimez consacrer temps et énergie.
” Plaisir : sensation ou émotion agréable, liée à la satisfaction d’un désir, d’un besoin matériel ou mental “
Le Robert donne la définition suivante du plaisir : sensation ou émotion agréable, liée à la satisfaction d’un désir, d’un besoin matériel ou mental. Relativement courte, cette définition donne à voir toute la complexité de la notion de plaisir avec les différences qui existent d’une part entre la sensation et l’émotion et d’autre part entre le désir et le besoin. Et s’ajoute à cela la différence de nature de cette satisfaction qui peut être matérielle ou mentale. Le concept de plaisir est utilisé en philosophie, en psychanalyse et en psychologie. Il concerne tous les âges et est indispensable à l’équilibre d’un être humain. En effet, nos plaisirs, la satisfaction de nos besoins, qui sont en lien avec nos valeurs, participent de notre équilibre, de notre construction identitaire. Ils nous permettent d’être cohérent, d’être en congruence, d’aligner nos comportements, nos attitudes et nos rôles avec notre identité profonde. Le plaisir est un ingrédient essentiel et nécessaire à la construction et consolidation de notre équilibre mental, émotionnel et physiologique.
Se faire plaisir, c’est satisfaire un besoin, c’est prendre soin de soi, c’est faire preuve d’estime de soi, c’est gagner en confiance, c’est gagner en affirmation de soi. Il est donc important pour chacun et chacune dans nos vies d’identifier nos sources de plaisirs, qui sont reliés à nos besoins, à nos valeurs. Et correspondent entre autres aux besoins de sécurité, d’affection, de reconnaissance, d’accomplissement de soi, etc…
De quels plaisirs parle-t-on ?
Ce travail sur soi nécessite d’y consacrer un minimum de temps et d’y procéder de manière méthodique. Lionel Tiger, en 1992, a classifié les plaisirs en quatre grandes catégories. (Si cette classification est très utile, je fais une parenthèse pour préciser que L. Tiger est fortement controversé pour le reste de ses travaux).
Il définit quatre types de plaisirs :
- Physio-plaisirs : lié au corps, aux expériences kinesthésiques, au goût, à l’odorat (faire un massage, manger du chocolat…)
- Socio-plaisir : lié aux interactions sociales (participer à une fête, bavarder avec des amis… )
- Psycho-plaisir : procuré par des activités engagées et réalisées par l’individu (cuisiner, bricoler…)
- Idéo-plaisir : lié à la spiritualité et au développement personnel, intellectuel, esthétique (jeux cérébraux, théâtre, musées…).
C’est l’intention de la personne qui détermine la catégorie et non pas le comportement en lui-même. L’idée, ensuite, est de réaliser un petit tableau pour lister et catégoriser ses petits et ses grands plaisirs. Et la dernière fois que vous vous êtes fait plaisir, c’était quand et c’était lequel ? Et le Cirque, dans tout cela ? me répondrez-vous, à juste titre.
Les plaisirs du cirque
Pour les activités artistiques, culturelles et sportives, nous avons deux niveaux de lecture. Le premier, c’est de classer le cirque dans une des catégories de plaisir, parmi tous les plaisirs auxquels nous pouvons nous adonner dans la vie (faire une séance de yoga, manger des huitres au marché, regarder une série télé,…).
Pour certains ou certaines, le cirque va être un physio-plaisir car l’activité est vécue essentiellement comme une activité physique, comme une activité sportive qui va participer de l’entretien physique. Pour d’autres, la pratique c’est l’occasion de la rencontre : jouer, s’entrainer, répéter avec des amis, la pratique est vécue comme une activité sociale. Pour d’autres, le cirque, c’est l’occasion de « faire », d’apprendre, de répéter, de comprendre, de mettre en pratique la mécanique du corps que j’ai apprise et que je sais faire. C’est l’exécution, la réalisation des mouvements qui m’anime. Et pour la dernière catégorie, la pratique du cirque va participer du développement personnel. Les valeurs de la discipline et les valeurs de vie vont être identiques. Cette pratique permet réellement à la personne de s’épanouir.
Le deuxième niveau de lecture, c’est d’identifier les plaisirs que nous procure la pratique d’une discipline circassienne. Nous allons retrouver ici le caractère tout à fait personnel du plaisir. Le plaisir de celui ou celle qui pratique dans le cadre de ses loisirs, celui des adolescents intégrés à une troupe amateur, celui des lycéens qui le passent comme épreuve du bac.
Chacun prend du plaisir, prend son plaisir à son niveau, avec ses objectifs, avec ses contraintes. La nature, la source et l’intensité diffèrent, nécessairement, entre toutes ces personnes. Mais à un moment, il y a un point commun, un plaisir procuré par la pratique. « Faire » du cirque, répéter ses gammes en jonglerie, en acrobatie peut tout simplement suffire à être heureux, améliorer sa technique sera indispensable à d’autres moments, « monter » un spectacle sera nécessaire un peu plus tard. Les plaisirs varient également dans le temps, en fonction des âges, de son niveau d’exigence, de ses objectifs. Ils peuvent passer par de longues séances d’entrainement pour perfectionner sa technique, à répéter ses gammes, ou par la mise en scène d’un numéro. La scène, la représentation peut être un moteur ou un repoussoir.
Pour les artistes, la question se pose un peu différemment parce qu’il s’agit d’un métier, d’une profession et non plus d’un loisir, d’un passe-temps. Une des grandes difficultés réside dans le fait de se détacher des enjeux matériels ou/et symboliques de la réussite artistique. Il faut pouvoir garder une âme d’enfant pour atteindre ses ambitions d’adulte. Pour celles et ceux qui s’orientent dans une voie professionnelle, l’identification de ses plaisirs permettra aussi de les relier à ses objectifs. Cela permet d’objectiver ses progrès, ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne moins bien dans le processus de création. L’analyse et l’objectivation permettent de nourrir le plaisir et de maintenir la motivation.
In fine
Nous avons vu que le plaisir est une notion complexe, dépendante de celle de nos besoins ; elle est aussi liée à nos émotions et est une des composantes de la motivation. Ne pas identifier ses plaisirs, c’est le risque de vivre beaucoup de frustration, de contrariétés, d’amertume et de mécontentements. Et je terminerai par trois courtes questions. Au cirque, qu’est-ce qui vous fait plaisir ? Qu’est-ce qui vous fait le plus plaisir ? Et qu’est-ce qui vous fait vraiment plaisir ?
Crédit photo : @EstherQuintin. Présentation de fin de résidence de Camille Judic à La Volière, lieu culturel et artistique dédié aux arts du cirque et arts voisins dirigé par Fred Deb’ à Saint-Nazaire (44).